Souks et Bazars d`Orient
Souks et Bazars d`Orient
Texte: Walter M. Weiss
Photographies: Kurt-Michael Westermann
Traduit de l`allemand par Denis-Armand Canal
Publiè 1996 par Arthaud / Flammarion
256 pages avec 345 photos en couleur et 16 cartes
32 x 24 cm
ISBN 2-7003-1077-2 FF 380.-
(pour le moment - épuisé)
Souks et Bazars d`Orient
De Fès à Samarkand
À un moment où l`attention de l`Occident se tourne vers le monde islamique avec un intérêt croissant mêlé d`effroi irraisonné, cet ouvrage nous invite à un voyage dans les bazars des vieilles métropoles islamiques, foyers de commerce et de foi dont la communauté musulmane a toujours tiré sa force vitale. On y découvrira un fascinant royaume des sens, où le temps, l`espace, le présent et la mort ont gardé leur signification ancienne, où le Moyen Âge vit encore à bien des égards. Pour autant, ce livre ne dissimule pas les dangers auxquels cette culture urbaine est exposée du fait de l`irruption brutale d`une modernité souvent agressive. Après un regard d`ensemble sur l`histoire du commerce oriental, on y retrace les origines du bazar en explorant les marchés de l`Antiquité, les caravansérails et les comptoirs fortifiés des débuts de l`Islam. Le lecteur suivra la route des caravanes qui apportaient la soie, l`encens, l`ambre et les épices au pas mesuré de l`inséparable compagnon du marchand: le chameau.
Ce livre veut aussi montrer que le bazar n`est pas simplement un lacis de ruelles pittoresques, mais une institution extrêmement complexe et enrichie par les siècles, une "ville dans la ville" où l`on trouve tout: commerce de gros et de détail, bien sûr, mais aussi institutions financières, ateliers et manufactures, fontaines et bains publics, tavernes et hôpitaux, auberges, écoles coraniques et mosquées. On y explique aussi les particularités architecturales, les rituels de la prière, du marchandage et de fêtes.
Un chapitre central est réservé aux commerces et aux artisanats traditionnels. Le lecteur visitera le marché aux chameaux, aux bijoux, au sucre; les ateliers des luthiers, des tisserands, des mosaistes, des souffleurs de verre et des forgerons de cuivre. Enfin il rencontrera des représentants de métiers presque disparus de notre Occident, fabriquants d`épées et de poignards, fourbisseurs, porteurs d`eau, magiciens, conteurs, soyeux, cardeurs et foulons...
AU ROYAUME DES SENS
Impressions au coeur de la médinah
L`ÉTERNELLE CARAVANE - PETITE HISTOIRE DU COMMERCE
Les grandes routes: les pistes de l`encens, de l`ambre, de la soie et de l`or
Le chameau: le plus grand cadeau d`Allah
SANCTUAIRE ET MARCHÉ - LE FONCTIONNEMENT DU BAZAR
Le plaisir de vivre: la raison du coeur
La sociéte: imams, cadis et inspecteurs du marché
Espaces spécialisés: mosquées, boutiques et caravansérails
L`élixir de vie: l`eau et ses usages
ARTISANS ET MARCHANDS - LES TRAVAUX ET LES JOURS
Les tapis: du métier au salon
Les vêtements: du tchador au kaften
Les fabricants de chéchias de Tunis
Les bijoux: des trésors qui protègent
Les parfums des Mille et une nuits
Café, tabac et douceurs: les plaisirs du quotidien
Médecine et magie: la guérison par la foi
Calligraphie et peinture: des lettres et des images
Bois: tourneurs et ébénistes
Le verre: les derniers maîtres-souffleurs
Les métaux: forgerons et chaudronniers
La céramique: potiers et fabricants de carreaux
Le cuir: tanneurs et teinturiers de Fès
LES HAUTS LIEUX DE LA VIE - PORTRAIT DES PLUS BEAUX BAZARS
Carte d`ensemble: le monde des bazars
Le Caire - Damas - Alep - Istamboul - Sanaa - Doubai - Kairouan - Tunis - Marrakech - Fès - Chiraz - Isfahan - Samarkand, Boukhara et Khiva
POSTFACE: La Lumière des Bazars
Crédits - Glossaire - Chronologie - Bibliographie - Index
Ma première rencontre avec l`Orient s`est faite au début des années quatre-vingts, au Caire. C`était en dehors de la ville, dans la nécropole. Le khamsin, le terrible vent du désert, avait enveloppé le monde d`un manteau de poussière grise. La fumée des ordures qui se consumaient non loin de là piquait les yeux. L`air était brûlant. Les ruelles zigzaguant entre les tombes et les cabanes de planches, serrées les unes contre les autres, étaient vides, d`une infinie tristesse.
Alors surgit une jeune femme, drapée dans un voile de ghalabiyeh aussi multicolore que râpé; elle portait deux bidons d`eau. Lorsque nos pas se croisèrent, elle me surprit par un salut rieur. Quel rire c`était! "Toute cette pauvreté affligeante que tu vois là", me disaient ses yeux, "ne saurait m`affecter. Le quotidien ne m`accable pas, parce que je puise ma force à d`autres sources." Un tel rire dans un quartier pauvre de la vieille Europe? Impensable.
Depuis, j`ai fait quelque trente voyage dans les pays de l`islam; j`ai vu leurs mosquées, leurs palais et leurs paysages grandioses. Pourtant, ce qui mà le plus étonné - et je sais quelles contradictions renferme le cliché romantique usé de l`Orient "spirituel" - c`est la gaieté et le sens du présent qui animent les peuples de ces contrées. Leur foi inébranlable en Dieu, aussi. Antoine de Saint-Exupéry a écrit: "Il y a des gens de l`autoroute et des gens du sentier. Les gens de l`autoroute m`ennuient. Je m`ennuie sur l`asphalte, entre les bornes kilométrique. Ces gens-là visent quelque chose de précis: un gain, un succès. Mais le long des sentiers, à la place des bornes kilométriques, il y a des buissons de noisetiers. Et l`on y flâne pour croquer des noisettes. On est là pour être là." Dans les ruelles des bazars, il n`y a pas de borne kilométriques.
Les moyens de communication de masse tendent souvent à implifier, à schmématiser. Dans leur recherche de boucs émissaires, ils ont retrouvé depuis quelques années les terres arabes. Comme à plusieurs reprises depuis le temps des Croisades, l`Orient est percu en Occident - et, d`une autre manière, réciproquement - comme une menace. Dans le vacarme des opinions, les propagandistes seuls se font entendre; les penseurs silencieux ne rencontrent guère d`attention. Dans l`inconscient collectif de l`Occident, peu s`en faut ainsi que chaque musulman ne passe pour un fanatique imprévisible.
Heureusement, une nouvelle génération d`orientalistes et d`islamologues se manifeste aujourd d`hui et s`efforce d`offrir au public une plus juste vision des choses, alors que la routine médiatique se contente le plus souvent de remâcher des clichés alarmistes. Il est d`autant plus surprenant que peu d`auteurs - et uniquement des universitaires - se soient occupés du phénomène des bazars. On ne trouve que trè peu de livres disponibles - et accessibles au profane - traitant de cette institution propre à la culture du monde islamique, sous toutes ses facettes.
Nous en arrivons ainsi au propos même de cet ouvrage: à nos yeux d`auteur et de photographe, deux raisons le justifient avant tout. Il s`agit d`abord d`expliquer t de faire découvrir, car un bazar est beaucoup plus que ce labyrinthe d`ateliers et d`échoppes dans lequel les touristes vont faire leurs emplettes avant de s`y perdre. C`est une "ville dans la ville", avec des formes de vie et de commerce spécifiques, sans compter une assise spirituelle dont la société occidentale, si étriquée, si mesquine, aurait beaucoup à apprendre en matière de travail, de temps et de solidarité.
Il s`agit ensuite de dresser un inventaire, un état des lieux. En effet, bien des bazars paraissent intacts au premier coup d`oeil, mais leurs caractéristiques les plus traditionelles - bâtiments et métiers, anciens, moeurs et valeurs, atmosphère et esthétique - sont menacées de disparition sous l`influence de l`Occident, de sa techniqueq et de ses industries.
Au temps où les Européens installaient l`électricité dans sa patrie récemment conquise, un cheikh de Tanger remarquait un jour avec une moue moqueuse: "Si ces gens-là priaient cinq fois par jour, ils oublieraient ce genre d`enfantillages."